article 2/7 – Dans le TAMBO

l’immersion en forêt amazonienne

Hélios SUBIRATS Psychologue Clinicien

Ma naissance se prépare

PréambuleL’Ayahuasca en quelques mots (extrait du journal de Colette au Pérou)

« Elle est une plante psychoactive qui est utilisée depuis des temps immémoriaux par les tribus d’Amazonie. Elle fait partie de la médecine traditionnelle amazonienne et est considérée aussi comme une plante qui enseigne.

L’AYAHUASCA

Les recherches scientifiques les plus récentes démontrent que l’Ayahuasca n’est ni addictive ni toxique. Elle aurait même des propriétés curatives, notamment sur la dépression.

Néanmoins, son utilisation pose encore des problèmes légaux dans de nombreux pays qui l’assimilent à une drogue.

A condition d’être utilisée dans un cadre adéquat, la plante peut apporter plusieurs bénéfices. Tout d’abord être utilisée dans le cadre d’une thérapie pour faire remonter le matériel inconscient ; ensuite dans le développement psycho-spirituel ».

FORÊT AMAZONIENNE

En route vers le tambo

Après la session d’Ayahuasca, et la petite nuit de récupération à même la maloca, nous sommes transportés en limite de la zone protégée de la forêt.

Désormais, il nous faut continuer à pied, avec nos valises et sacs à dos, traverser à 3 reprises la rivière en crue, de l’eau jusqu’aux hanches, marcher sur des sentiers boueux et glissants. Nous sommes en pleine saison des pluies. Après ¾ d’heure d’efforts, arrivé sur les lieux du campement, et suite au dispatching initié par les chamanes, chacun se retrouve en isolement pour 7 jours dans son tambo ! Le mien se nomme : Yakusisa

A peine arrivé, j’ai hâte de descendre me laver au torrent.

La pente est raide et glissante, c’est sportif, je me raccroche à ce que je peux, branches, herbes, pour éviter la chute. Avec les bottes, j’y vais tout habillé, les vêtements étant hyper trempés je fais une pierre deux coups, les laver, et me laver avec leur savon qui pique aux yeux. Je me suis foutu à poil, vivifié par la fraicheur de l’eau boueuse du torrent en crue, je renfile le tout, bien stimulé pour remonter vers le tambo, où je me change après m’être fait piquer par quelques moustiques.

Muni d’un cahier d’écolier, de crayons, d’un compas et d’une gomme, je sais que mon plaisir d’écrire, sera de me décrire, en me laissant porter par l’inspiration de l’instant. J’y vais pour cela, pour moi, la diète rime avec retraite.

En remontant du bain spartiate, habillé de sec, j’ai la frénésie de dessiner, et en premier, mon tambo : besoin de l’immortaliser !

Comme les visions qui se présenteront dans cet espace-temps, hors du temps.

Le tambo point d’ancrage

Très vite je me sens adopté par lui. Je sais la forêt généreuse et dans son sein je m’y sens en totale sécurité. Je la respire, je la transpire, nous faisons UN.

Mes pires ennemis sont les moustiques, et leur signature, les cuisantes démangeaisons de leurs piqûres, et du coup, même s’il fait une chaleur étouffante, je suis emmitouflé comme jamais : double épaisseur de pantalons, doubles chaussettes, les mains dans les manches de mon coupe-vent, la capuche en permanence sur la tête, et le plus clair de mon temps dans mon hamac, protégé par la moustiquaire.

Mon 2ème dessin pas facile à réaliser est la représentation de ma vision pendant la session d’Ayahuasca. J’y mets du cœur à l’ouvrage. Je suis replongé dans la session, dans ses moindres détails, dans les méandres des sensations.

Extrait de « art 1 LA DIETE.  De l’Idée à l’Expérience 1ère partie »

La session d’Ayahuasca

Cette session je l’appréhende un peu. Pendant le rituel de nuit, Jacques m’en sert une petite dose ! En absorbant la plante je m’adresse à Elle : « Tu me connais mieux que moi-même je te fais confiance je t’aime ». Dans le noir ambiant, tout se fait en douceur… je trouve le goût âcre, fort en odeur de tabac, l’effet de « la soplada » !

« Dans ces « ténèbres », les chants Ikaros rythmés et orchestrés nous accompagnent. L’espace est nourricier, rempli, plein de vie. Au début rien de spécial, mes images habituelles en méditation qui défilent calmement. En particulier ma maison d’enfance qui est mon lieu de naissance.

Puis arrive le moment des turbulences, une grande machinerie se met en place tout autour, et tout est en fer ! C’est comme si on avait démonté La Tour Eiffel et que l’on essaie de la remonter, là sous mes yeux, pour en faire des circonvolutions en mouvement, qui me mettent dans un réel et profond malaise. J’ai la nausée psychique, pas celle qui fait vomir (j’aurais tellement préféré) mais celle qui vous retourne la tête et l’estomac, comme dans une machine à laver, ça n’arrête pas de tourner …c’est infernal. Je suis aux prises d’une machine infernale armée avec les barres en fer de la Tour Eiffel, et aspiré dans cet engrenage qui n’en finit pas. Rien ne peut l’arrêter. Je ne sais pas comment m’en sortir ni comment calmer le jeu.

Il y a une double lecture du Moi, celui qui est « lucide », conscient de ce qui se passe, et une autre partie de soi entraînée dans cette foutue machinerie incontrôlable, et qui suit « sa » logique. ELLE s’impose, et m’impose sa loi ! »

A travers le dessin, et en me replongeant dans la session, TOUT SE REJOUE, à l’identique, ou presque, car j’ai en plus le recul du « reporter » qui se veut le plus fidèle à la scène, en reproduire l’image, et tenter d’en esquisser le mouvement.

Je ne suis pas dessinateur, et pourtant cela me procure une profonde sensation de bien-être.

Je pose un cadre, celui qui m’a animé et que j’ai déposé dans ma lettre de motivation pour faire ce stage, qui là commence à se construire, et à me définir.

La Tour Eiffel « démontée »

Je suis dans le bain, dans l’expérience, j’en ai une conscience profonde, et je vais m’y donner à fond.

Ce n’est pas une aventure…

Je sais pourquoi je suis là ! J’en ai l’intuition et la sensation immédiate.

Je suis dans le sentir et « vouloir expérimenter mes états modifiés de conscience » ici et maintenant.

Ils se mettent à l’œuvre dans le dessin, et en « conscience ».

Curieux paradoxe et/ou ambivalence que de vouloir expérimenter en conscience des états modifiés de conscience.

Et bien c’est cela qui va désormais rythmer ma semaine : la Double Causalité !!

La Double Causalité !!

Les Causes produisant des Effets, et en retour…

les Effets devenant des Causes, produisant Leurs Effets

Et ainsi de suite, dans le pouvoir du moment présent !!!

Dans mon îlot tambo…

             … je sens battre le cœur de la forêt : tour à tour, antre, refuge, « utérus végétal »,

…lieu de retraite méditation…

je chemine vers mon Centre

Le cahier d’écolier dans cette totale immersion, inscrit, capte le fil d’une météo journalière interne/externe rythmée par les 3 passages des soigneurs, matin, mi-journée, fin d’après-midi.

Au fil des heures, le bulletin intègre les paramètres,

  • internes : psychiques, physiques, émotionnels, spirituels.
  • Et externes :  la forêt luxuriante, pleine de vie, la pluie, le soleil, le vent, les oiseaux, les insectes, …

Les chamanes viennent de passer et ils me redonnent la plante Bobinzana, comme tout à l’heure. C’est ainsi la première journée me répondent-ils. J’entends que je vais pouvoir bien m’enraciner.

Bobinzana est un arbuste poussant en bord des rivières, qui plante ses racines au-delà de l’eau pour bien s’enraciner dans la terre. En période torrentielle et de fortes crues, il y reste bien accroché.

Ils me laissent le sifflet pour les appeler en cas d’urgence.

Je ne sais pas où ils logent, cela fait partie du mystère mais cela ne m’impressionne pas. Tous ces mystères que je dois intégrer pour vivre pleinement cette expérience. Ils arrivent à mon tambo en descendant sur la gauche, puis repartent par la droite.

Il en sera ainsi toute la semaine. Ils sont peu bavards, mais ils observent.

En les voyant débarquer, je vois qu’ils se font bouffer autant que moi, si ce n’est plus par les moustiques… ! C’est rassurant, ils n’arrêtent pas de se taper dessus pour les chasser.

Au passage, pendant la prise de la plante dans la bolée qui m’est tendue par les curanderos, même dans ma tenue de cosmonaute, hyper emmitouflé de partout, un moustique en profite pour se glisser sous la tasse et à me piquer par en dessous, sur la lèvre inférieure !

Ils sont astucieux, coriaces et à foison.

El TAMBOTITO

Du coup, je me demande si je ne ferais pas mieux de me mettre sous la moustiquaire et dans le hamac.

Puis avant la nuit, de me préparer la « chambre », que je surnomme « el tambotito » :

  • une tente en toile couleur crème faisant office de moustiquaire recouvrant le matelas de 90 cm à 2 mètres, posé sur un sommier en bois très rustique à un mètre du sol qui lui est en terre battue.

LE TAMBO Yakusika

La cabane est ouverte aux 4 vents, et recouverte d’un toit en paramo, (herbes fines équivalent à un toit en chaume).

  • Oui tout prévoir : le duvet, la pile, le pyjama, le cahier, les crayons, la gomme, le compas, la bouteille d’eau.
  • Se planquer pour ne pas se faire bouffer par les moustiques, dans ce « petit refuge » qui m’est hautement sécuritaire : je m’y sens super bien.
  • Je n’ai aucune idée de l’heure.

Sauf que les moustiques redoublent ! Vite aux abris il y a urgence !

Dimanche 13 janvier

Je suis en fin de nuit, ma foi j’ai dormi « normalement » entrecoupé de méditations comme dans mon appartement à Toulouse, transposé en forêt amazonienne. Je retrace sur mon cahier la deuxième partie de mes visions lors de ma prise d’Ayahuasca. Les mains jointes en prière, le dos bien droit, assis les jambes repliées, après les turbulences infernales, j’ai la vision suivante. Je suis au-dessus d’un grand vide structuré et coloré, en léger mouvement, un joli « passage » vers des profondeurs colorées et lumineuses, un voyage incitatif à plonger dans le Beau, le Bien, le Bon. Une naissance dans un mouvement lent, doux et harmonieux, me conduisant les mains toujours jointes à m’élever vers un grand TOUT, percer les ténèbres, et se laisser entrainer vers le haut, par les chants Ikaros pour sortir de la nuit.

Éveillé, dans ma chambre en toile, je réalise en méditant, que comme des poupées gigognes, il y a 3 tambos.

  • 1/ le tambo qui m’abrite : la cabane,
  • 2/ « el tambotito », en forme de tente, l’antre sous la toile blanche, qui est aménagée avec ses draps colorés par des cercles de couleurs quand j’allume ma lampe de poche,
  • 3/ mon tambo intime, mon MOI, que je prépare et aménage pour l’investir, l’habiter, REGRESSER, pour renaître du ventre de cette mère végétale, où tout s’anime dans un bain de vie d’amour : le vert à foison ne symbolise-t-il pas le chakra du cœur de l’amour et de l’affection ?

Assis en tailleur sur mon matelas dans le tambotito, je me remets dans la même posture que lors de la session de prise de la plante.

Et là je réalise que les effets de l’Ayahuasca continuent leur œuvre de plante maîtresse. La plante m’initie.

Elle me prépare à revivre ma naissance dans cette incarnation.

Elle me fait voir son objectif, ce vers quoi je dois cheminer, et que je vais devoir travailler, approfondir, creuser. Et là je ne suis pas au bout de mes surprises.

Je savais que j’étais un non-désiré par ma mère, mais le vivre dans les eaux maternelles, en régression, un re-birth, c’est une autre paire de manches.

« JE SUIS » dans mon TAMBO « intérieur », me préparant à « NAÎTRE », je ne peux pas encore me déployer, comme le papillon dans sa chrysalide, son antre, son utérus.

Je me prépare à n’être (naître), que moi-même, seul et unique dans mon process d’individuation et dans le TOUT, cette Grande Mère si généreuse.

  • J’ai la conscience que les mains en prière en s’ouvrant dessinent le passage, la vulve, par lequel je dois passer, me « fondre » la tête, le mental, et le corps pour sortir,
  • ou comment faire passer le chameau dans le « chas » d’une aiguille !!! passer des ténèbres à la lumière.

Je sens une bouffée de chaleur, mon corps se mobilise, « chauffe » dans cette « matrice » pour se préparer à sortir, mobiliser ses forces, sa pulsion de vie pour s’expulser, s’extraire, chaleur dans le souffle mobilisateur, sentir aussi la douceur de la chaleur avant de s’extraire.

J’ai chaud, ce process, je le connais, j’en ai déjà fait l’expérience, je suis autour de la villa, où je suis né, c’est l’énergie de mon âme, c’est elle qui m’enveloppe, qui entoure la maison, je vais naître à la terre, elle attend avant d’envelopper mon corps à naître, elle enveloppe tout, la villa, puis ici, mon antre le tambo. Elle sait, je sais que j’en ai fait l’expérience, c’est sécure, l’âme sait, suit sa voie, j’en ai pleinement conscience et je lui fais confiance.

Voilà ce que m’apprend l’Ayahuasca pendant la session.

Mon corps n’est rien, tout est dans l’énergie de mon âme, je la sens, elle m’enveloppe.

Voilà texto, ce que j’ai écrit :

  • Toi qui comme un manteau de souplesse,
  • M’enveloppe depuis la nuit des Temps
  • Pour me faire sentir, que Je Suis
  • Une énergie, un souffle, une source,
  • La Vie, l’existence infinie manifestée dans le Temps,
  • La Vie originelle, la fécondation d’origine, le souffle de l’existence
  • L’expérience de la Vie dans un Éternel Recommencement

La 1ère vision sur la Tour Eiffel en Dame de Fer psychorigide, me signifie l’enfermement de mes énergies dans mon MENT… AL.

Puis cette Tour démontée en barre de fer en circonvolutions, me fait voir cette énergie de fer qui circule partout, telle que me l’a faite voir l’Ayahuasca, dans ces barres de fer, ces lames d’acier ou tout passe, tout circule dans cette énergie de toujours, cet ADN de base, ces énergies brassées à travers ses médiateurs, matière, plantes, animaux.

Ce corps que mon âme a choisi, mon corps en est son humble et fidèle serviteur.

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La suite Dans le prochain et 3ème articl

« Les Non-Désirés »

En préambuleDu réel à l’imaginaire, de la réalité au délire

J’ai conscience en publiant ces articles, des niveaux de lecture différents et de leur interprétation qui en seront faits, en fonction du cheminement spirituel de chacun : de l’esprit de discernement, (démarche intellectuelle philosophique), à une force surnaturelle de l’Esprit (démarche spirituelle religieuse ou adogmatique).

Pour un athée, seule la raison guide ses pas. Confiant en la science, il rejette toute pensée magique, toute superstition infantile, n’accordant aucun crédit à quelque croyance religieuse. Le courant existentialiste (Jean Paul SARTRE) pour qui l’absolu n’existe pas, chemine dans cette voie.

C’est une position philosophique qui peut être formulée ainsi : il n’existe rien dans l’Univers qui ressemble de près ou de loin à ce que les croyants appellent un « dieu », ou « Dieu ».

Je viens d’un milieu athée et rationaliste. Je sais que mes écrits vont être mis sur le compte de l’imaginaire, du fantasme, voire du pur « délire » (ce qui m’a été déjà renvoyé par mes proches). Je connais également le regard des psy freudiens, et lacaniens, dont certains considèrent Carl Gustav JUNG, comme un « fou ». Or je suis jungien, formé au symbolisme de l’inconscient collectif, ayant expérimenté la foi naturelle et la religion naturelle, en dehors de tout dogme.

A suivre…